DROUOT – RICHELIEU
Salle 6
vendredi 23 septembre 2016

ETUDE
DEBAECQUE – D’OUINCE – SARRAU

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ROBIN DES BOIS AU PAYS DES MERVEILLES

En secret et patiemment, Pierre Robin a construit sa maison et son jardin magique à son image. Si la nature a horreur du vide, elle a trouvé en lui un disciple fidèle tant ici tout est occupé, couvert voire recouvert. De la cave au grenier, des berges du Tarn au faîtage d’ardoise, s’empilent et se pénètrent les cultures, ordonnées non sans malice par le maître des lieux et son fidèle Lapin, merveilles obligent.
Souvenir lointain des rafales du djebel près de Tazmalt, les vanités et la mort qui rôdent alentour, tout sourire de bois ou de nacre, sinon d’acier de mousqueton ou de 12/7, elles narguent le visiteur et s’annoncent dans les bosquets comme dans les antichambres. «D’où viens-tu avec tes yeux cavés et tes quenottes branlantes», de Bali ou du Mexique, ou de Haute-Loire – Oh curiosité sans frontières ? Qui sait d’où vient chacun, sa vérité se coule partout sous divers masques de masques, un coup de ciseau et de peigne n’aboliront pas le hasard !
Car il vient de loin le Robin, enfant sage à la raie bien tirée et fleurant bon l’eau de Cologne, fier dans ses galoches prêt à affronter la capitale, il est franc et rusé à la fois – c’est bon signe – il sait mettre à profit toute rencontre et s’élever patiemment d’un échelon l’autre comme les femmes dogon s’élèvent avec agilité sur les échelles de la falaise, tout porter tout supporter, mais arriver, arriver au sommet qu’il s’est fixé, au royaume de la fantaisie, de la liberté. Cette collection, cette maison, c’est son reflet, le portrait du brocanteur en anarchiste doux, il sait dire merde au PCF qui veut lui imposer ses lectures, et passe allègrement de Sade au Figaro, pour agacer le petit bourgeois qui sommeille en tous les encartés.
Ici à Rabastens-sur-Gange, ou sur Niger, ou sur Amazone, il convoque et convie aux noces baroques, entre Trimalcion et Gargantua, les dieux et les djinns des Afriques et autres continents. Sans réserve Confucius tend la main à Platon, le Bouddha étreint Jésus, et Mahomet et Ganesh se marrent. Des bastions ou bastides, d’un coffre kabyle ou d’un grenier dogon dégorgent les produits d’Orient chargés aux dos des cariatides d’ébène : les foulards, les indiennes, les pagnes tilbi de Djenné, torsadés sur les bustes aux poitrines saillantes du panthéon Bozo.
Ici la couleur explose de partout entre les bêtes à cornes et les boucliers, les oratoires en paperolles et les cuirs touaregs. Et les oeuvres des amis peintres, fruits d’échanges généreux ou d’achats courageux, d’Avril en Dufour, de Macréau en Klasen.
Quand vient la nuit le caravansérail s’apaise, le cliquetis des fers bambara et des kaskaras soudanaises s’éteint, les génies rentrent chez eux sur leur tapis volant, les Christs barbares s’affaissent sur leur croix de bois, même le perroquet Solo ferme son bec. Seul, toujours en éveil, le sergent Chassepot monte la garde, son chien fidèle à ses côtés.

PIERRE AMROUCHE, mai 2016

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