DROUOT – RICHELIEU
10 mars 2010
Salle 7
EXPERT
Madame Martine Houze
ETUDE
Fraysse & Associés
Vincent Fraysse commissaire-priseur
Catalogue PDF
La collection de ferronnerie ancienne de Michel Rullier reste certainement l’une des plus belles et des plus intéressantes constituées de nos jours sur ce thème. L’ensemble a atteint une forme d’aboutissement, un état de complétude, que le collectionneur a souhaité fixer à jamais dans un catalogue au moment de sa dispersion par la vente aux enchères.
Il s’agit d’une collection monothématique. Elle s’oppose en ce sens aux collections, parfois prestigieuses, d’objets hétéroclites recherchés pour le plaisir des sens et pour l’agrément des lieux de vie. Mais que reste-t-il de ces dernières après leur dispersion ? A peine le souvenir de l’humaniste dans la mémoire des héritiers ou des acquéreurs. Tout juste se souvient-on encore de Laurent de Médicis ou de Louis XIV comme collectionneurs ! La collection à thème unique est un rassemblement qui ne peut être reconstitué de nouveau à l’identique. Elle restera, pour les amateurs et les professionnels de l’art, une référence, pour peu qu’un inventaire en ait été dressé.
Les pièces qui l’ont constituée garderont le pedigree de cette appartenance. On parle encore aujourd’hui de telle serrure de la collection Spitzer ou de telle autre pièce provenant de la collection d’Allemagne, malheureusement évanouie, sans traces.
Tous les collectionneurs s’interrogent un jour ou l’autre sur le devenir de leur collection. Beaucoup confient à leurs héritiers le soin de sa survie, avec l’illusion qu’elle sera poursuivie. D’autres choisissent le refuge des musées, tant que l’inaliénabilité continuera de garantir la pérennité de leur oeuvre. C’est le cas d’Henri Le Secq des Tournelles, donateur en 1920 à la Ville de Rouen de sa collection de ferronnerie ancienne dont Henri-René d’Allemagne fit en 1924 l’inventaire photographique. Michel Rullier a fait le choix de la dispersion de son vivant, après la constitution d’un catalogue, véritable mémoire vivante de sa collection. Le choix de la mise en vente de sa collection est totalement assumé par Michel Rullier. Cet acte n’est ni celui du désespoir ni celui d’une désillusion. Il est révélateur de la volonté de traiter la collection comme un organisme vivant. Cet ensemble de ferronnerie est né de la passion, il a grandi au gré de recherches acharnées menées avec intelligence dans un domaine peu prisé des Français, art dans lequel pourtant la France a excellé depuis la Gaule celtique jusqu’à Louis XV. Michel Rullier estime qu’il est temps de transmettre, de donner à d’autres la chance de réaliser à leur tour la passion d’une vie. Il veut de son vivant assurer cet acte de passation. Il a sorti ses objets des cadres de bois qu’il leur avait confectionnés, il les a extrait des vitrines qu’il avait organisées dans le plus merveilleux des sites, il a confié la rédaction du catalogue à Martine Houze, expert en ethnographie populaire.
En tant que conservateur autrefois attachée au Musée Le Secq des Tournelles à Rouen, je rends hommage à cet acte de foi de Michel Rullier à l’égard de la vie, celle des oeuvres d’art, celle de la ferronnerie ancienne.
Catherine VAUDOUR
Conservateur du patrimoine